Ma tête était encore vierge de toute instruction lorsqu’un matin lumineux, ma grand-mère, telle une gardienne bienveillante, me conduisit vers ce qui allait devenir mon premier lieu d’apprentissage. Elle tint fermement ma main, et nous avancions lentement mais avec une assurance tranquille, vers un trésor que j’ignorais encore.

Après quelques pas hésitants, nous franchîmes la porte d’une salle de classe, découvrant une cinquantaine d’écoliers assis, leurs ardoises en main. Brusquement, ils se levèrent comme un seul homme pour nous accueillir, entonnant en chœur une sorte de chant solennel :

« Travail, justice, solidarité. Bonjour madame, nous vous souhaitons la bienvenue dans notre classe… »

Terrifié par ce vacarme soudain, je me tassai contre ma grand-mère, cherchant refuge. Mais ma peur s’apaisa lorsqu’une voix grave ordonna aux enfants de s’asseoir. C’était celle de « Monsieur DOYEN », un homme de teint noir, légèrement petit, avec de brillants yeux dissimulés derrière des verres clairs.

Il échangea de longues salutations avec ma grand-mère avant qu’elle ne me présente à lui comme son nouvel écolier. Monsieur Doyen posa doucement sa paume sur ma tête et, avec une voix désormais douce, me demanda :

« Comment tu t’appelles ? »

Ne comprenant pas ses mots en français, je restai silencieux. C’est seulement lorsqu’il reposa la même question en soussou, ma langue maternelle, que je m’empressai de répondre :

« N’khilinè Ousmane. »

Les écoliers éclatèrent de rire, ce qui augmenta ma timidité. Monsieur Doyen leur demanda à nouveau de s’asseoir et me présenta à eux. Puis, il m’indiqua une place que je devais occuper. À cet endroit se trouvait un véritable trésor, un trésor dont la valeur ne me serait révélée que des années plus tard.

Aujourd’hui, ma grand-mère n’est plus de ce monde, mais je lui dois tout. C’est elle qui m’a conduit sur ce chemin de la connaissance, dont je chérirai toujours les premiers pas.