Jamais la mort d’une personnalité n’a fait couler autant de larmes dans le milieu musical africain. Des icônes telles que Salif Keita, Ibro Diabaté, Sona Tata Condé et Monique Séka ont rendu hommage à cet homme exceptionnel. Mais qui était-il ? Et pourquoi tant de reconnaissance de la part des plus grands ténors de la musique africaine ?
Derrière l’abréviation ABD se cache l’un des noms les plus respectés de l’histoire de la presse africaine : Aly Badara Diakité.
L’histoire de cet homme remarquable commence en Côte d’Ivoire, où il est né le 2 février 1954 à Abidjan. Cadet d’une famille de dix enfants, ABD a fait ses études primaires et secondaires à Boké, située à environ 269 km de Conakry. Vers la fin des années 70, il retourne en Côte d’Ivoire pour ses études supérieures, tout en se lançant dans l’enseignement. Les élèves du lycée classique d’Abidjan de cette époque se souviennent encore de lui comme d’un éminent professeur de français et d’histoire, immensément cultivé.
Mais les craies ne suffisaient pas pour inscrire son nom dans l’histoire. Peut-être le micro et les ondes radiophoniques le feraient mieux. La passion d’ABD pour l’animation commence dans les nuits agitées de Bouaké, où il animait dans les boîtes de nuit. Son talent ne passe pas inaperçu et attire l’attention de son premier mentor, Roger Fulgence Kassy (RFK), une légende du micro qui avait l’art de faire des stars avec son émission « Dernière Chance », révélant des talents tels qu’Alpha Blondy.
L’Ivoirien RFK détecte rapidement le talent vocal du jeune enseignant et fait de lui le correspondant de la RTI à Bouaké. Bien qu’il aime son mentor et la Côte d’Ivoire, le pays de ses ancêtres et de sa mère bien-aimée N’ga Sayon, ABD retourne en Guinée en 1984 pour intégrer la radio nationale grâce à Justin Morel Junior.
En Guinée, ABD trouve l’ombre de Justin Morel planant sur tout l’environnement radiophonique, mais il arrive au bon moment. Justin Morel Junior, alors roi incontesté des ondes, est nommé Directeur général de la RTG. ABD saisit cette opportunité pour faire ses premiers pas à la radio nationale avec les émissions « Contact Culture » et « Podium », rapidement suivies par « Afri Cadence », une émission légendaire diffusée chaque samedi matin à 9 h.
Aux côtés de Mohamed Sylla, Mamady Nabé et Mohamed Lamine Gnana (alias Kampelito), ABD plonge les auditeurs dans une aventure musicale de 55 minutes. Il savait lire, découvrir, interpréter et promouvoir les talents de chaque artiste, attribuant des sobriquets mémorables tels que « l’enfant de Dikhankè Kouda » pour Ibro Diabaté et « la biche du mandingue » pour Mama Diabaté.
À l’antenne, ABD captivait les auditeurs avec sa diction irréprochable, sa plume élégante et sa voix envoûtante. Ses qualités lui valent les sollicitations pour présenter les plus grands événements culturels de la capitale et accompagner les artistes guinéens à travers le monde.
Pour offrir encore plus de visibilité aux artistes, il lance l’agence de promotion « Conakry Magakhoui » avec Fodéba Isto Keira et Alia Camara, organisant des événements mémorables comme le face-à-face entre Ibro Diabaté et Mamady Doudou Dada au Palais du Peuple.
Malheureusement, à seulement 42 ans, ABD doit faire face à un adversaire redoutable. Le 12 mars 1996, un malaise l’oblige à s’aliter à l’Hôpital Ignace Deen de Conakry. Le dernier numéro de « Afri Cadence » est diffusé le samedi 2 mars 1996.
Le samedi 4 mai 1996, un calme précaire règne à Conakry. ABD s’est tu à jamais. Sékou Mady Traoré, une autre voix emblématique, annonce la triste nouvelle dans le journal de 9 h :
« …Tout ce qui est debout se couchera,
Tout ce qui brille s’éteindra,
Tout ce qui bat s’arrêtera.
La mort est dans la vie. La vie est dans la mort.
ABD était avec nous. Et depuis ce 4 mai 1996, ABD entre dans l’histoire par la porte des grands, dont il savait aussi honorer la mémoire. Que d’émotion ! Que de tristesse pour l’homme ABD qui, par son acharnement au travail, a su sculpter dans le marbre ses dimensions pour la postérité… »
ABD est né un samedi, a forgé sa réputation les samedis et est mort un samedi. Simple coïncidence ?
Repose en paix, enfant de N’ga Sayon.
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