Au centre des petits conciliabules de mes aînés, mon nom régnait en roi. Il fallait, d’une manière ou d’une autre, faire regretter toutes les provocations d’un très canaille garçon que j’étais. La raison n’avait jamais été mienne, et chaque minute qui passait augmentait mes charges en bagarre, injure ou encore en faux problèmes… En fait, le garçon que j’étais était indispensable. Je connaissais beaucoup de choses que je devais garder à tout prix. Les secrets, les vrais mêmes, devaient rester entre mes grands et moi.
Je ne devais pas raconter, par exemple, ce qui s’était passé hier soir entre Fodé et Tata dans le taudis. Je ne devais dire à personne que Mamata avait plongé la main dans la sauce du soir pour chiper du poisson. Encore moins étaler que Moussa avait cueilli nuitamment des pommes, avocats ou colas du vieux Seydouba… L’unique témoin de tous ces faits, il fallait que je me taise à tout prix au risque d’être sauvagement botté.
Au-delà de tout cela, je me croyais fort en quelque chose de très puissant : la présence de ma grand-mère. Véritable bouclier, elle était aussi la seule à toujours trancher en ma faveur, peu importe ce que j’avais commis. Ce n’était pas son affaire ça ! Je suis un enfant après tout.
C’était plutôt aux autres d’avoir honte de frapper le diyôrè (bébé) que j’étais. Quand elle était là, mon pouvoir devenait plus grand et mon empire de provocation s’agrandissait davantage.
Jeux de langue, chuchotements, regards hagards… tous ceux-ci constituaient mes armes de provocation. Que dire de tous les gros mots soussous que je mémorisais par cœur malgré mon jeune âge ?
On appelle ça vrai MAMARAKHOURI.
MAMA signifie mère ou grand-mère et KHOURI signifie éducation, donc celui ou celle qui a reçu l’éducation de sa grand-mère.
Mes jours sombres étaient seulement les dimanches, jour du grand marché hebdomadaire de Koba. Ma grand-mère est partie à Louma (marché), il faut que j’entre dans ma coquille et reste très prudent.
Tel un roitelet, mon pouvoir s’effritait tout de suite. Je n’étais plus à l’abri des coups de coude souvent orientés vers mes côtes. À cela s’ajoutaient toutes les menaces qu’un Dimédi yakhôrôkhè (enfant terrible) de mon rang méritait…
Mais les réconciliations ne vont pas tarder avec mes FORI. Ce qui nous lie est plus fort que mes gamineries.
Dès le soir, je devais dire à Makalé que Bangaly l’attendait derrière la maison.
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