« L’homme propose, Dieu dispose et la nature s’impose », le dit-on. Cette assertion rime parfaitement avec la vie de l’inventeur du morceau populaire « Gongama », Amadou Foula Bah.
Loin de la foulanité des Bah de Maci dans Pita profond, l’ex membre de l’orchestre « 22 bandes » de Kankan n’est peuhl que de nom. Le chanteur à la voix suave doit tout à Kankan qui la vu naître en 1962.
Si les pièces mécaniques poussiéreuses teintées d’huile de moteur usées du quartier Kankan Météo parlaient, elles pourraient témoigner de la vie d’un adolescent plutôt hypnotisé par la vibration de l’art sonore du mandingue à l’état pur et dur.
Amadou est le dernier-né d’une fratrie de 4 enfants. Gérant d’un restaurant à Kankan, son père, Tierno Souleymane rêvait d’un fils mécanicien de moto. Un métier très en vogue dans une ville où les habitants attachent un prix particulier aux motos.
En 1975, il confia le jeune Amadou à un maître mécanicien qui s’appelait lui-même Amadou “Japon”, spécialiste de réparation des motos Yamaha 100 et Honda 125.
Mais Amadou confié à Amadou ? Il fallait bien un distinguo pour que les deux ne répondent plus simultanément aux appels incessants des clients de leur garage situé au cœur de Kankan Météo. D’où le rajout « Foula » à celui de l’apprenant qui devint alors Amadou Foula. Pour rappeler son origine foutaniènne.
Un jour, un homme se pointa aux garages du maitre Amadou. Il sollicita le jeune mécanicien dont tout le monde parle pour reparer sa moto. Elhadj Sidi Mamady, le père des griottes Oumou et Missia Saran DIABATÉ.
Dans ces manœuvres mécaniques, le jeune Amadou joint l’utile à l’agréable en chantonnant quelques repertoires populaires du mandingue comme Nafoulén. Un tire repris par plusieurs griots. Le grand artiste balafoniste est bien surpris du timbre vocal de son mécanicien.
Il l’invite chez lui le même soir à une veillée musicale. A cette occasion, Amadou Foula reprend le tire Dyandyo et ‘’Sakhodugou’’sur fond des notes de guitare de Mansa kérélen, le fils ainé de son client qui revenait de la Côte d’Ivoire. Ce jour-là, sans surprise, Elhadj prédit la carrière musicale de son invité. Petit, tu seras un grand chanteur !
Le nouveau milieu du jeune amadou le fait connaitre également Dyéli Moussa Diawara, un éminent guitariste qui l’initiera aux chansons de louange. Le chemin musical est bien balisé, Amadou intègre le Fè koromba Jazz, un mini-orchestre de Kankan 1 qui rivalisait avec le Pôti Koron Jazz de Kankan 2.
Mais au sein de Kankan, il existe un autre orchestre plus grand ! Le Horaya bande, l’orchestre fédéral de Kankan.
Après un an de la triste célébration de l’agression portugaise contre la Guinée le 22 novembre 1970, l’orchestre Horoya Bande est reconfiguré et devient le 15 novembre 1971, 22 bande de Kankan. Le chiffre 22 faisant référence à la date d’agression portugaise contre la Guinée, 22 novembre 1970.
Il faut bien de nouvelles énergies pour animer l’orchestre presque renonvé. Mamady SONKÉ est retenu chanteur principal et plusieurs autres musiciens comme Sidi Dioubaté et Nagnan Mory Kouyaté.
Le groupe contribue vite à la modernisation de la musique mandinque et a même remporté le premier prix au Festival National de 1974 avec plusiuer albums à la clef : Dans le vent, Venez voir, Mankan) et les morceaux comme Deny, Kobé na touma, Mankan deviennent viraux sur les ondes.
En quête de nouvelles voix, le 22 bande de Kankan offre une scène aux mini-orchestres, le Pôtikoron Jazz et le Fè koromba Jazz, pour détecter les talents. Les deux orchestres profitent d’une pause musicale de l’orchestre fédéral pour montrer leurs talents sans même savoir qu’ils étaient soumis à un test. Entre le jeune mécanicien et Mory Djely qui deviendra plus tard le Bélé-béléba de la musique guinéenne, le choix de l’orchestre fut très vite porté sur le premier.
1978, Maitre Amadou Japon perd un apprentie, mais la Guinée gagne une voix légendaire. Désormais membre de 22 bande, Amadou n’est pas venu les mains vides. Il va très vite pousser les limites linguistiques du groupe en créant un pont entre la musique manding et pastorale. Pour la première fois, il y compose le titre Gongoma et fait danser le Toumboussèssè aux membres du groupes.
MUSIQUE GONGAMA…
La durée d’un tronc d’arbre dans l’eau ne le transforme jamais en caîman. Amadou Foula est bien d’accord avec ce proverbe africain. La signature de cette chanson prouve que son long séjour kankanais n’a rien changé de son origine foutaniène. Oui, Amadou se veut plus culturellement diversifé.
Avec les 22 bandes, il participe au premier festival des arts et de la culture en 1979 à Conakry, puis en Libye en 1982.
Mais deux ans plus tard, le 26 mars 1984, le responsable suprême de la révolution qui aimait tant la culture tire sa révérence. C’est un coup dur pour la culture guinéenne. Presque tous les orchestres sont contraints à disparaitre. Un espoir brisé pour beaucoup de musiciens. Mais que va devenir Amadou sans 22 bande ? C’en est-il fini pour lui ? Pas sûrement ! Amadou a encore plus à donner à la Guinée ! Il ne compte pas s’ârreter là !
1990. Rempli d’espoir, Amadou quitte son Kankan natal pour Conakry. Il retrouve d’abord son veil ami, Mory Diély Denn Kouyaté et ensuite intègre le groupe musical de son ami Sékouba Bambino Diabaté.
Bambino le fait participer à plusieurs de ses tournées européennes et africaines : Paris, Dakar, Ouagadoudou, Abidjan, Bamako… Du retour en Guinée, Bambino propose au patron de Super Sélection, feu Diouldé Sall, la production de son ami et compagnon Amadou Foula.
Mais l’investisseur est très hésitant ! Dans sa gibécière, il a déjà Petit Yéro, Binta Laly, Fatou Linsan, Seydou Sow… En plus, beaucoup de talents sont déjà déchainés à Conakry! Les Ibro, Mamady Doudou Dada, Sékouba Fatako, Sona Tata, Djely Sayon… font leurs lois dans tous les lieux de réjouisssance. La concurrence est de taille, l’animateur ABD attise le feu, les réputations se font et se défont ! Le producteur ne veut pas tenter le diable !
D’hésitation à hésitation, Diouldé Sall accepte enfin la proposition de produire Amadou Foula. Dans la foulée, Il le fait partir en Côte d’Ivoire pour enregistrer “Gongama”, le tout le premier album au studio cuisiné studio JBZ d’abidjan 1995. Six titres intemporels sont présentés aux mélomans dont Gongama. Le succès est retentissant. ABD n’a pas de mots, il surnomme Amadou, le petit prince du Fouta.
Désormais prince, Amadou s’impose et se taille la part du lion. Son producteur est ébloui ! Il fait le fait parciper à la compilation “Étoile du Fouta” en 2000. Amadou associe sa douce voix à celles des ténors de la musique pastorale Binta Laly SOW, feu Fatou Linsan, Petit Yéro, feu Saidou Sow… Le résultat est impécable. Le titre la Baraka brigue toutes les voix en Guinée.
En 2000 le désormais petit prince du Fouta enchaine avec Diabhodhenmo, un deuxième album de huit titres dont dyudyuba, mi salminimo, kèmèlaye… Avec cet album, le fils de Baapa Thierno confirme sa suprémacie dans le paysage musical guinéen.
Le talent est bien nourri, la passion se mêle à l’amour et le terrain est bien conquis. Le petit Prince du Fouta rêve encore plus grand ! Pourquoi pas un troisième album ? Amadou se remet encore au travail.
Ah ! Les jours de Dieu sont bien imprevisibles ! Une maladie entêtée barre la route à l’ambition de l’artiste. L’Arthose est sévère et impitoyable ! Elle s’attaque aux zones musculaires et êmpêche ses victimes d’effectuer les mouvements. En 2015, Amadou est admis à l’hôpital Abroise Paré pour une intervention chirurgicale à la colonne vertébrale. Amadou n’est plus libre de ses mouvements ! La sédentarisation imposée par l’arthose va provoquer plusieurs autres maladies dans son corps. Des béquilles le soutiennent à peine à se tenir débout. Plus de 20 ans hors de son Kankan natal ! Plus de 24 ans hors du studio, pourant la douleur n’a rien changé de sa timbre vocale, mais pour égayer le monde, la voix seule ne suffit pas.
Quand j’ai rencontré Amadou Foula dans le cadre de ce travail, il a bien insisté que souligne le soutien d’un homme qui l’assite dans ces épreuves douleureuses depuis 15 ans. Barou Koulibaly, un homme d’affaires originaire de Siguiri. Un homme de grande générosité dont Amadou se veut reconnaissant jusqu’à son dernier souffle.
Prompte retablissement depuis Cosa, un quartier mouvementé de Conakry où Amadou partage ses douleureses eprreveus dans sa famille.
Ousmane BANGOURA
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